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BIOGRAPHIE HENRI PYT (1796-1835)

La vie de cet homme qui s’est situé en marge des Eglises officielles à une époque où cette marge était peu documentée est assez mal connue. J’ai dû puiser à plusieurs sources pour tenter  d’en reconstituer tant bien que mal l’essentiel du parcours. Il est né en Suisse, à Sainte-Croix (près d’Yverdon, dans le haut  Jura vaudois).

Sur sa prime jeunesse, et en particulier sur sa famille et  les circonstances qui l’ont amené à entreprendre des études de théologie à Genève, on ne sait à ma connaissance rien de précis. On relève en particulier la précocité d’une vocation (il se fait remarquer dès 1812, il n’a alors que 16 ans !). Lui fait remonter sa conversion semble-t-il  à bien plus tard, à l’influence de Robert Haldane, soit 1817, mais on devine dans l’adolescent qu’il fut une soif spirituelle exigeante et une consécration déjà affirmée.

L’IMPLICATION DANS LE RÉVEIL DE GENÈVE NAISSANT :

Le Réveil de Genève peut passer pour la première acclimatation sur le continent et en pays de culture française du mouvement revivaliste qui s’était développé avec grand succès dès le  XVIII° siècle en Grande Bretagne, berceau de la révolution industrielle, et particulièrement en Ecosse sous l’influence de John Wesley et Whitefield. Mais l’influence anglo-saxonne ne se fait sentir à Genève que secondairement, ce qui montre que le Réveil y avait des racines plus profondes et spécifiquement autochtones.

Comme pour le revivalisme britannique, le Réveil est essentiellement une réaction contre le rationalisme qui avait envahi les Eglises au cours du XVIII° siècle. S’attachant à remettre en honneur les principales affirmations doctrinales des Réformateurs, les revivalistes sont en outre marqués par une forte tendance individualiste, mettant l’accent sur la conversion personnelle à Jésus-Christ, et quelque peu aussi par la sentimentalité romantique. Ils affirment fortement que le christianisme est une vie avant d’être une doctrine.

A l’aube du XIX° siècle, l’Académie de Genève et la Compagnie des pasteurs de cette ville sont sans réserve marqués par un libéralisme qui est le fils du rationalisme du XVIII° siècle. Bruyamment applaudis par les Encyclopédistes de Voltaire à d’Alembert, ils ont abandonné la théologie de Calvin pour le rationalisme le plus desséchant. La Bible, considérée comme un ramassis de mythes, est non pas délaissée mais ignorée des auditoires, et la théologie réduite à un vague déisme où on peine à discerner une teinture chrétienne.

Le Réveil se veut un renouveau de foi qui véhicule une spiritualité fondée sur la « conversion » personnelle –en fait, l’expérience individuelle de la rencontre avec Dieu- sur une vie spirituelle plus intense, une éthique chrétienne résolue et un engagement dans l’évangélisation et la mission. Du fait des tensions avec l’Eglise officielle libérale, le Réveil a entraîné la formation de nouvelles Eglises formées uniquement de personnes qui ont fait une démarche de foi personnelle. Cet engagement chrétien qui rompt avec un protestantisme « sociologique » conduit, entre autres conséquences dans la vie des chrétiens inspirés par le Réveil, à une intense activité sociale. Cela est illustré notamment par le cas d’un des fils du Réveil de Genève, Henri Dunant, le fondateur de la Croix-Rouge. Bien au-delà de la cité de Calvin, ce Réveil a étendu son influence dans les cantons protestants de Suisse et dans toute la France protestante.

Dans l’histoire du Réveil de Genève, l’influence anglo-saxonne s’est manifestée particulièrement à travers l’intervention de trois hommes, Richard Wilcox, Henry Drummond (1786-1860), et surtout Robert Haldane (1764-1842) : le parcours atypique de ce laïc écossais mérite une courte parenthèse. Marin d’abord, puis cultivateur, il avait été profondément troublé par la Révolution française, ce qui conduisit à sa conversion sous l’influence d’un théologien calviniste. Devenu évangéliste, en Ecosse d’abord, il entreprit en 1816 une tournée d’évangélisation sur le continent, à Paris d’abord, puis à Genève où, contrairement à son projet de n’y faire qu’un passage il décida de rester.

Encore adolescent, il se joint à une réunion d’inspiration morave (et donc à ce titre influencée par le piétisme allemand, avec une forte préoccupation pour l’évangélisation et la mission) qui regroupe des jeunes à Genève au domicile d’un responsable d’église. Fin novembre 1812, avec notamment deux autres amis, E. Guers et le jeune pasteur Henri-Louis  Empeytaz, (1796-1853),  il fonde la Société des Amis, en liaison avec les Moraves et le renouveau suscité par le comte de Zinderdorf. Le but de cette société : « secourir les pauvres et les affligés ». Ces jeunes, et Henri Pyt au premier rang d’entre eux, se montrent avides de renouveau spirituel. Leur objectif est la restauration du culte domestique et la culture de la piété.

Mais le groupe ne tarde pas à rencontrer l’épreuve, l’opposition. La Compagnie des Pasteurs de Genève, opposée aux partisans du Réveil, s’en prend à  celui d’entre eux sur qui ils ont barre, Empeytaz, et l’excluent du ministère. Réfugié en Allemagne, celui-ci fera paraître contre la Compagnie un pamphlet, occasion pour elle de nouvelles tracasseries contre les étudiants en théologie qui, comme Henri Pyt, refusent de prendre leur parti.

Entretemps, en 1816, Genève a reçu la visite de Richard Wilcox, un homme d’affaires anglais gagné au calvinisme du revivaliste anglais Whitefield et désireux de se consacrer à propager le renouveau de la foi en Christ. Il insiste sur l’assurance du salut qu’acquiert celui qui place sa foi dans le sacrifice du Christ. Dans les réunions qu’il organise chez lui on remarque le jeune Henri Pyt (il a alors 20 ans) chez qui se révèlent des dons d’orateur et d’apologète.

L’année suivante, à la visite de Wilcox succède celle de Robert Haldane. Début 1817, devant une vingtaine d’étudiants en théologie, il entreprend un commentaire suivi de l’épître aux Romains, insistant sur la justification par la foi seule. Cette étude produisit sur les auditeurs, dont Henri Pyt ainsi que d’autres futurs grands noms du protestantisme français et européen, une profonde impression, en particulier par sa connaissance intime et détaillée des Ecritures qui contrastait avec ce qu’était devenue la théologie en usage à Genève, sa foi absolue en l’autorité de la Bible, et aussi sa douceur et sa patience dans l’argumentation. Sa doctrine était strictement calviniste, avec sur le baptême, notons-le, des vues baptistes, qu’il ne mettait jamais en avant.

En mars de la même année, un sermon de César Malan (12767-1864) au temple de la Madeleine, l’un des plus importants de la ville, sur le salut par grâce, suscite la stupeur et l’indignation, et ravive l’opposition de L’Eglise de Genève. Pasteur à Genève depuis 1810, celui-ci avait sympathisé avec Robert Haldane. Par un Règlement paru au mois de mai, la Compagnie prétend interdire à ses pasteurs de prêcher sur la divinité du Christ, le péché originel et d’autres dogmes essentiels. Le passage des examens est conditionné à la signature de cet ukase inspiré seulement par un vague déisme christianisé. Henri Pyt réagit en désertant la faculté.

Robert Haldane quitte Genève en juin 1817, mais un autre anglo-saxon lui succède, Henry Drummond (1786-1860), bientôt expulsé et réfugié en territoire français à Ferney-Voltaire après avoir fait connaître son rejet d’une Eglise qui abandonnait les fondements du christianisme. Sous cette influence séparatiste (ce que Robert Haldane s’était gardé d’être), les étudiants fondent en août une Eglise indépendante à laquelle est élu pasteur César Malan, qui se récuse. Henri Pyt est l’un des trois qui sont alors désignés comme « conducteurs spirituels ».

Drummond fonde bientôt la Société Continentale de Londres, dont le but est de réévangéliser l’Europe et en particulier la France. Haldane y prend une large part. Henri Pyt y figure comme l’un des premiers missionnaires évangélistes de cette Société.

On le voit par l’exemple d’Henri Pyt, le baptisme naissant en France puise à de multiples sources : à travers les Moraves, on remonte aux origines du Pré-protestantisme avec Jean Huss au XV° siècle, puis le piétisme allemand, le calvinisme auquel on fait retour, et pour finir le revivalisme anglais dont l’importation à Genève constitue la première vague à atteindre le continent. En réalité, à quelques nuances près, toutes ces sources se rejoignent dans l’exigence d’une foi sérieusement et personnellement vécue, fondée sur l’autorité reconnue à la Bible, avec une insistance sur la conversion qui consiste à accepter le pardon accordé par Christ. Du reste, ces groupes ultra-minoritaires et  engagés de manière convergente sympathisent, voire fraternisent spontanément et les frontières entre eux sont extrêmement poreuses.

LE MISSIONNAIRE IMPLANTEUR D’EGLISES :

Au service donc de la Société Continentale d’Evangélisation, Henry Pyt a d’abord semble-t-il un ministère itinérant. En tout cas on le trouve dans les Pyrénées Atlantiques, où son témoignage marque profondément Eugène Casalis qui deviendra plus tard missionnaire protestant en Afrique du Sud, puis directeur de la Maison des Missions de Paris.

Puis il s’établit, toujours au service de la Société Continentale, dans le Nord où il accompagne le développement de la communauté de Nomain.

Il n’y a pas encouragé la constitution d’une assemblée spécifiquement baptiste (il est au service d’une société interconfessionnelle, et lui-même baptiste « large »), mais c’est lui qui a assuré les premiers baptêmes par immersion, en 1820.

Conformément à son appel initial, il a le souci prioritaire de l’évangélisation. Pour cela il renoue avec les méthodes qui avaient assuré deux siècles plus tôt le succès et la diffusion du protestantisme naissant : la vente de la Bible et de littérature chrétienne par l’humble travail essentiellement piétonnier du colporteur qui parcourt la campagne de ville en village, portant à dos sa charge de littérature. Il est à l’origine d’un réseau de colportage qui a permis l’essor des premières assemblées baptistes du Nord de la France, et à ce titre le baptisme de cette région du Nord de la France (où a exercé notre pasteur avant sa venue à Vesoul !) lui reste hautement redevable.

Je n’ai pas connaissance qu’il se soit marié. En tous cas il ne semble guère avoir ménagé sa santé si on se rapporte à sa mort fort précoce, mais il est bien hasardeux de fonder un récit seulement sur un silence documentaire !

Jean-Claude Meylan