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Balthasar Hubmaier : Théologien mort sur le bûcher au XVIᵉ siècle

Balthasar-Hubmaier : théologien martyr du XVI siècle.

Balthasar Hubmaier (né vers 1480 – mort sur le bûcher en 1528 à Vienne)

Le théologien et le Réformateur martyr de la Réforme radicale

 

 

Encore de nos jours, beaucoup de gens continuent à considérer le baptisme comme une « secte » dont le sérieux serait discutable, et d’apparition récente. De fait, le phénomène des sectes est aussi ancien que le christianisme, mais la plupart de celles qui ont une certaine notoriété chez nous le sont plus ou moins. L’existence des Témoins de Jéhovah, avec lesquels on nous confond souvent, remonte au XIX° siècle, comme celle des Mormons par exemple. Ceux qui nous suivent sur cette rubrique biographique savent que le baptisme qui s’est répandu en France depuis le XIX° siècle, existait en tant que tel depuis le XVII° siècle (voir la notice consacrée à John Smyth). Mais des églises substantiellement assimilables à notre mouvement remontent notablement plus loin, avec un credo doctrinal semblable au nôtre, et auquel nous souscrivons sans réserve, et ce dès la naissance même du protestantisme. Dès les origines de la Réforme apparaît, avec la remise en cause du baptême des enfants, l’idée que le baptême est par essence une démarche d’engagement personnel qui ne saurait être que le fait d’adultes : elle se traduit par le mouvement anabaptiste, auquel Voltaire rendait au XVIII° siècle dans son conte Candide un hommage élogieux tout en le brocardant gentiment. Avec Balthasar Hubmaier, contemporain de Luther et dans les débuts compagnon de route de Zwingli, et avant Calvin, l’anabaptisme a son Réformateur et théologien, notre ancêtre, au moins jalon important dans la lignée qui prend sa source à celles mêmes du christianisme.

 

1 – L’importance d’un contexte historique complexe et très particulier :

 

Balthasar Hubmaier surgit dans les années 1523- 1525 pratiquement au centre géographique, mais aussi socio-culturel d’un véritable maelström d’effervescence historique, sociale et spirituelle où les populations peinent (à raison !) à garder des repères. Historiquement, le monde féodal finit de se déliter et dans cette région au carrefour de ce qui n’est pas encore vraiment l’est de la France, des cantons de la Suisse allemande, et de la poussière d’états et principautés de toutes dimensions, dans lesquels domine, mais à des degrés très différenciés, l’influence de l’Empire Romain Germanique, et  qui constituera bien plus tard l’Allemagne sud-rhénane, voisinent des territoires aux statuts juridiques divers, avec des communes, urbaines, qui se sont vu octroyer des droits et des libertés, et où commence à germer le monde moderne.

Du point de vue culturel et religieux, à la différence de ce qu’on croit généralement, une certaine unanimité n’est pas autour de l’Eglise (catholique il va sans dire !), mais plutôt autour d’un désir, remontant à plus d’un siècle, de réforme de cette Eglise, un désir largement nourri d’insatisfactions, mélange de ferveur religieuse, de militantisme et de turbulence. Dès les années suivantes les options vont très vite s’éclaircir, les frontières se dessiner, et les camps s’opposer, souvent violemment, mais pour le moment, c’est derrière un mouvement apparemment uni que se logent des attentes multiformes et hétérogènes dans l’inconscience partagée des contradictions qui n’ont pas encore éclaté entre elles.

Certains voient dans l’Ecriture un moyen de réformer l’Eglise quand d’autres font également confiance à un retour aux sources de la culture antique, d’autres croient la fin du monde imminente, d’autres encore aspirent à créer un monde plus juste. C’est une situation un peu difficile à concevoir pour nous qui, connaissant la suite de l’histoire, distinguons très précisément ce qui deviendra le luthéranisme, le mouvement paysan, les mouvements anabaptistes et réformé, et qui plongent leurs racines dans un même bouillon. Dans le même camp se rencontrent encore ceux qui espèrent réformer l’Eglise de l’intérieur, ceux qui commencent à comprendre que la sécession est inéluctable, et parmi eux, ceux qui restent attachés à une certaine tradition de l’Eglise et ceux qui, au nom du retour à l’Ecriture seule, interrogent radicalement la conception de l’Eglise.

Et ces évolutions vont emprunter du fait des circonstances, une géographie bien différenciée :  d’un côté, les centres urbains qui jouissent de libertés communales qui les mettent à l’abri des influences dominatrices (Strasbourg, Bâle, Zurich, plus tard Genève…), et les états où les princes acquis aux idées de réforme assument le même rôle protecteur à l’égard des idées nouvelles  (Electorat de Saxe, Montbéliard…), de l’autre tous les territoires où joue à plein l’influence conservatrice et hostile à tout changement de l’Eglise, sans compter  les zones intermédiaires où la proximité de régions où se réfugier  confère une certaine perméabilité à des remises en cause.

Les premières vont constituer les bases dans la sécurité desquelles les réformateurs vont élaborer ce qui sera la Réforme et qui en deviendront les principaux foyers. Vont s’y constituer des églises « réformées », mais conservant certains caractères des églises traditionnelles, et notamment l’idée qu’on appartient à l’église de par sa naissance. Les secondes vont persécuter de manière indifférenciée tant les partisans de la Réforme que ceux d’une réforme plus radicale. Et c’est plutôt dans les zones intermédiaires que vont germer et parfois se développer les idées de ce qui va devenir l’anabaptisme, et auxquelles Balthasar Hubmaier va contribuer à donner une forme théologique aboutie. Mais dans cette zone d’une sorte de No man’s land, le danger n’est jamais bien loin, et il expose les chrétiens fidèles aux persécutions croisées des catholiques, et aussi, hélas, des partisans des églises de la Réforme. C’est ce qui va advenir à Balthasar Hubmaier et le conduire, et parfois le contraindre, à des choix qui auraient pu être autres, et qui furent effectivement différents de ceux de certains de ses plus proches compagnons de route, avant de le traîner au bûcher.

 

2 – La jeunesse et les débuts de Balthasar Hubmaier (années 1480 à début 1523) :

On ignore la date de naissance de Balthasar Hubmaier, qu’on peut situer aux alentours de 1480. Il est né à Friedberg, en Allemagne, plus précisément en Bavière, à 8 kilomètres à l’Est d’Augsbourg. De sa famille, on sait seulement qu’elle était peu fortunée.  Il fait ses études secondaires à l’école latine d’Augsbourg, où il a un professeur appelé à la célébrité et qui le remarque, Johannes Eck.

En 1503, il se rapproche significativement de la région qui nous intéresse, le pays de Bade, en s’inscrivant à l’université de Fribourg-en-Brisgau. Des raisons financières l’obligent à interrompre ses études pendant un an et à devenir vers l’âge de 20 ans enseignant en 1507 dans la ville suisse de Schaffhouse, non loin de Waldshut dont il deviendra plus tard le réformateur.

En 1512, il suit Eck en s’inscrivant à l’Université d’Ingolstadt, où il passe 4 années d’études. C’est à l’époque, une jeune mais prestigieuse université : première de Bavière et onzième ville universitaire de l’empire germanique, elle est en 1500 la première à parler de l’humanisme, et on y a enseigné quelques années plus tard le grec et l’hébreu. (Plus tard encore, par Johannes Eck désormais théologien, elle deviendra le centre spirituel de la Contre-Réforme !).  Mais c’est vers cette année 1512 qu’Hubmaier est ordonné prêtre, et devient docteur en théologie (c’est, selon la coutume, Eck, dont il est désormais collègue, qui prononce son éloge !), puis professeur et prédicateur de la plus grande église de la ville.

A l’époque, il est, naturellement, un bon catholique, et jouit déjà d’un certain prestige intellectuel en tant que controversiste : il est considéré comme l’adversaire catholique le plus capable d’argumenter contre Luther dont les idées ont commencé à se répandre.

1516 le voit retourner en Bavière où il est nommé prédicateur principal à la cathédrale de Ratisbonne (en allemand : Regensburg), sur le Danube. Pendant cinq ans dans cette ville et encore après, Hubmaier se comporte en catholique traditionnel, on pourrait voir en lui comme la caricature du curé médiéval. Il mérite amplement presque tous les reproches qu’on peut adresser au clergé de cette époque. Outre l’étroitesse d’esprit et l’attachement aux superstitions les plus éculées de l’Eglise, on a un antisémitisme féroce et persécuteur (expulsion des Juifs de Ratisbonne – le cas n’est pas isolé ! – à la faveur de la mort de l’empereur Maximilien, paradoxalement  leur défenseur, prédications illégales contre eux), mariolâtrie  (culte marial) superstitieuse sous prétexte d’un prétendu miracle (une chapelle dédiée à la Vierge bientôt devenue lieu de pèlerinage est élevée sur les ruines de la synagogue, il encourage un élan de piété populaire qui dégénère en hystérie collective, puis semble-t-il entre en conflit avec le conseil municipal au sujet des revenus du pèlerinage, donc à la limite du  trafic de biens religieux ; plus  tard encore après son départ de Ratisbonne, – obstination dans l’erreur –  il acceptera de revenir prêcher à ladite chapelle pour tenter d’y racoler une assistance de pèlerins en train de se tarir !

Mais entre-temps, pour des raisons qui restent obscures, il a quitté Ratisbonne à la fin de 1520. Début 1521, Hubmaier arrive dans la petite ville de Waldshut, sur le Rhin dans l’actuel pays de Bade. Pourquoi ce choix, et même a-t-il fait ce choix ? on l’ignore. Cette ville jouissait de privilèges impériaux, confirmés par Charles Quint récemment élu empereur. Elle dépend de l’Autriche des Habsbourg, mais est voisine directe de la Suisse et sera ainsi un enjeu de rivalités entre les deux à l’occasion de la Réforme. Hubmaier devient curé de la principale des deux paroisses de la ville. La ville a le droit de choisir elle-même ses prêtres, mais sous réserve de confirmation par un couvent féminin des environs, lui-même sous protection de la ville de Berne, situation inextricable bien propre à générer des conflits quand on sait qu’à l’opposé de l’Empire, résolument ancré dans le catholicisme romain, Berne ne tardera pas à adopter la Réforme Zwinglienne.

A l’époque, Hubmaier continue de se comporter en curé catholique. Cependant, il est fort probable que déjà à Ratisbonne il ait commencé de s’intéresser aux idées nouvelles du courant humaniste, peut-être même à la Réforme. On a connaissance de contacts pris alors avec des humanistes actifs à Bâle, de lectures d’un ouvrage du réformateur de Bâle, puis d’un arrêt lors de son voyage de Ratisbonne à Waldshut chez un ami, protagoniste clé de la Réforme naissante. Pendant l’été 1522, il lit les écrits de Luther, et à Bâle rencontre des humanistes notamment le célèbre Erasme de Rotterdam, partisan d’une réforme « humaniste », sous l’influence duquel Rabelais préconisera dans le Pantagruel d’accueillir les « prêcheurs évangéliques » dans sa fameuse Abbaye utopique de Thélème. Et lors de son retour à Ratisbonne, il assiste à des réunions d’un cercle de « luthériens ». C’est au printemps 1523 qu’Hubmaier opte vraiment pour la « foi nouvelle ».

Le 1° mars 1523 (il a démissionné de la chapelle à Ratisbonne : Jusqu’à cette date l’église romaine n’a émis aucune plainte contre lui), il est de retour à Waldshut et poursuit ses contacts avec les partisans de la Réforme en Suisse. Il est invité à prêcher, à Saint-Gall, en Suisse, en instance de réforme, où il prononce en mai des prédications publiques qui « hypnotisent » le peuple : nous voyons ici qu’il a un talent oratoire remarquable. Pendant ce temps, la Réforme se met en place à Zurich sous la direction de Zwingli. Une étape essentielle de ce processus, (sur ce point Zurich suit la règle générale), consiste en des controverses théologiques publiques qui étaient courantes dès le moyen-âge (le film célèbre « Au nom de la rose » en met en scène un exemple), un autre étant celle qui avait déjà en juillet 1521 opposé Luther à Johannes Eck, l’ancien maître d’Hubmaier nous l’avons vu).  La première dispute, en janvier 1523, conduit la ville à l’adoption officielle de la nouvelle ligne théologique, ce qui, naturellement fait grand bruit : ainsi le 1° mai 1523, à son passage vers Saint-Gall, Hubmaier rencontre pour la première fois Zwingli.

3 – Hubmaier dans la Réforme Zwinglienne (printemps 1523 à printemps 1524) :

Dans une certaine mesure, la Réforme zwinglienne s’improvise. Elle n’est pas calquée sur celle de Luther : Zwingli n’est pas Luther. Il n’a pas exactement les mêmes idées que lui.  Naturellement, les deux réformateurs se rencontrent pleinement sur les grands principes, sur l’autorité de l’Ecriture seule par exemple, ou sur le salut par la foi seule. Mais dans son interprétation de la Bible, Zwingli est plus sensible que Luther à des influences de l’humanisme d’Erasme. Et puis les circonstances sont différentes : les cantons suisses ne sont pas les états allemands, la structure du pouvoir s’y exprime différemment. Et parmi les propres disciples de Zwingli, d’imperceptibles différences n’ont pas encore éclaté au jour. Mais aussi cette Réforme zwinglienne s’organise : très tôt, Zwingli forme autour de lui un petit groupe de proches et de collaborateurs qui se réunit pour étudier le grec et discuter de la Réforme. Parmi eux, certains qui seront les promoteurs de l’anabaptisme… Un point, pas nécessairement prévu, les rassemble : les positions qu’ils prennent les conduisent à des actions qui sont perçues comme des provocations par les tenants de l’ordre établi, et souvent par les autorités : la critique du carême, de la théologie mariale et du culte des saints, les contestations à propos du versement de la dîme, la condamnation du prêt à intérêt, la présence des crucifix et des images des saints dans les églises. En conséquence de quoi, des consommations de viande pendant le carême, le mariage de Zwingli, voire certains actes iconoclastes, font scandale et menacent de créer des troubles. De gré ou de force, la Réforme apparaît comme disruptive. Un point de divergence avec Luther aura des conséquences : Zwingli croit légitime que la Réforme ait, au-delà de celles dans l’ordre religieux, des conséquences dans l’avènement d’un ordre politique et social plus juste.

Aussi l’organisation à Zurich d’une seconde dispute s’avère nécessaire. Il s’agit d’y aborder la question des images, ainsi que la compréhension théologique de la messe. Elle se déroule fin octobre 1523, et Hubmaier y participe avec enthousiasme, bien que ses contributions n’y soient pas les plus importantes. Il est aussi invité à prêcher en octobre et décembre.

Hubmaier revient à Waldshut pour y mettre en place une réforme d’inspiration zwinglienne. Les difficultés ne manquent pas, car à Waldshut la situation géopolitique y rend la mise en œuvre bien plus complexe. C’était une gageure de prétendre introduire un modèle helvétique dans une cité soumise au pouvoir impérial autrichien. Autant cela pouvait être séduisant pour la population aspirant à davantage d’autonomie, autant cela ne pouvait manquer d’être perçu par les autorités autrichiennes comme un défi à leur souveraineté. Et à Waldshut, la Réforme allait s’exprimer en termes aussi bien politiques que religieux.

Des poursuites sont engagées contre Hubmaier dès décembre 1523. Mais les autorités municipales prennent sa défense, arguant qu’Hubmaier prêche le respect des autorités, et que c’est l’arrestation d’un prédicateur aussi apprécié que lui de la population qui pourrait troubler l’ordre public. De fait dans la place un membre éminent du conseil (on ne sait pas bien s’il est le bourgmestre ou un magistrat) est acquis à la Réforme, et il a de la famille à Zurich et à Schaffhouse. Et il est exact qu’à Waldshut (mais c’était déjà le cas à Ratisbonne !)  Hubmaier a une éloquence convaincante. Cela ne fait qu’ancrer dans leur hostilité les Autrichiens, pour qui il est « luthérien », et donc tout simplement séditieux.

Hubmaier organise une controverse théologique avec les 12 membres du clergé de la ville pour faire accepter son programme de Réforme, sur la base d’un document en 18 thèses qu’il rédige. Elle se déroule, pense-t-on, fin avril 1524. A l’évidence le réformateur, faute d’alliés extérieurs (Zwingli ne saurait intervenir frontalement contre l’Empire !), cherche le soutien de toute la ville, mais la nouvelle de la dispute commence par déclencher de nouvelles accusations contre lui.

Le 15 mai, dimanche de Pentecôte 1524, les citoyens rassemblés de Waldshut entendent qu’on propose de livrer Balthasar aux autorités. Le lendemain les femmes de la ville, certaines armées, se rendent à la mairie pour exiger qu’il soit maintenu en poste. Ce sont les 12 autres prêtres qui quittent la ville. En l’absence d’interlocuteurs, Hubmaier remporte la dispute et son programme est accepté avec le soutien du maire et celui majoritaire de la population. Au désaveu des délégués envoyés auprès de l’empereur, qui reviennent avec l’ordre impérial, Waldshut décide d’ignorer celui-ci. La Réforme se radicalise : le 26 mai (la Fête-Dieu), le texte de l’Evangile est lu en allemand, et non en latin !  Les images et ornements commencent à être enlevés des églises. Les prises de position de Hubmaier se diffusent et commencent à être connues. Le succès populaire de la Réforme de Waldshut est exceptionnel.

Même sans connaître les textes qu’il a écrits, on mesure l’ampleur du chemin parcouru par Balthasar Hubmaier en bien peu de temps. Le curé mariolâtre, superstitieux et peut-être intéressé a fait place au champion d’une foi étayée sur des convictions évangéliques claires et solides, de surcroît habité de la passion du salut de ses ouailles fût-ce au prix de sa vie. Ceci dit, épée de Damoclès, la persécution des autorités civiles et religieuses (qu’incarne l’évêque de Constance), est déjà suspendue au-dessus de sa tête : les chances de réussite sont bien compromises. Avant d’aborder les événements qui s’enchaînent de la fin du printemps à l’été 1524 et ensuite, il convient de refaire le point sur les conditions qui règnent à Waldshut.

Waldshut :

C’est donc à Waldshut que Dieu place Balthasar Hubmaier, pour y proclamer l’Evangile, y fonder une église où va prévaloir le baptême de ceux seuls qui font le choix exprès de suivre Jésus-Christ comme Sauveur et Seigneur, avant de permettre que les choses y tournent à une issue tragique. Waldshut est alors un petit bourg (1000 habitants avons-nous dit) situé à un point névralgique, à la frontière nord du Rhin, côté autrichien (entendez aujourd’hui côté allemand) de cette frontière avec la Suisse, face à l’embouchure de l’Aar qui se jette dans le Rhin après avoir drainé une bonne part de la Suisse allemande. Tout près au nord se trouve la Forêt Noire où les paysans, s’inspirant des idées de Luther, organisent une sorte de grève du paiement des dîmes qu’ils estiment dues non à la hiérarchie de l’Eglise, mais aux prédicateurs évangéliques qu’ils entendent se choisir.

Waldshut dépend donc directement du Saint-Empire romain germanique où règne la famille Habsbourg, farouchement opposée aux idées de Luther, avec laquelle Hubmaier a déjà un contentieux depuis l’expulsion des Juifs de Ratisbonne. Mais en remontant l’Aar puis la Limmat on n’est pas bien loin (50km) de Zurich où Zwingli a déjà fait triompher la Réforme l’année précédente.  Et tout aussi proche est Schaffhouse, aussi sur la rive nord du Rhin plus à l’est, mais dans une enclave suisse, où les prédications du pasteur Sebastian Hofmeister ont créé une forte sympathie pour la Réforme, dans une opposition qui restera encore majoritaire pour quelques années. La Suisse a déjà dès le siècle précédent marqué certaines prétentions sur Walshut, mais la population est restée fidèle à l’Empire. Seulement en 1499, les Habsbourg ont déjà mené une guerre désastreuse contre la Confédération helvétique au cours de laquelle les Suisses ont conquis certains droits sur Waldshut. Sur toute cette frontière austro-helvétique l’ambiance est électrique, et les prétentions croisées des uns et des autres entretiennent un climat de suspicion. Dans l’esprit des Autrichiens, tout est la faute de la propagande de la « secte luthérienne hérétique », qu’ils dénoncent bruyamment, mais en eux-mêmes ils y voient tout autant la main cachée de la Suisse qui cherche à grappiller de nouveaux territoires sur leur frontière.

4 – Hubmaier et le mouvement paysan (du printemps à l’automne 1524) :

Le mouvement paysan, auquel Hubmaier va maintenant avoir affaire, et qui débouche sur une « guerre des paysans » qui se conclut par un massacre évalué à quelque 100 000 victimes (dans un périmètre qui s’étend au-delà de l’Allemagne du sud et du centre, au Tyrol, à l’extrême nord de l’Italie, à l’Alsace et au Palatinat…) de paysans, de mineurs, voire de gens du bas-peuple urbain, est un événement largement sous-estimé par l’histoire officielle.  Simple (mais vaste !) jacquerie née à l’aube du capitalisme, contre une noblesse et des monastères, grands propriétaires fonciers, qui pressurent un monde rural sans défense de surcroît affamé par quelques mauvaises récoltes, dans un anticléricalisme vif à cette époque ? C’est assez vrai, mais bien réducteur. Pour certains historiens on devrait attribuer à ces événements (une des plus importantes révoltes de l’histoire européenne, aussi appelée « guerre des gueux » !) autant d’importance qu’aux Révolutions française ou russe. En tous cas, l’alliance de Balthasar Hubmaier avec un mouvement paysan débutant et encore pacifique a grandement servi à le discréditer et à le calomnier, lui ainsi que le courant anabaptiste dont il va bientôt être une figure majeure, et d’abord dans les discours et écrits tant de Luther que de Zwingli qui, se joignant aux catholiques, rejettent le mouvement paysan et appellent aux armes contre eux. Aussi n’est-il pas étonnant qu’Hubmaier soit encore aujourd’hui, bien peu connu des évangéliques, baptistes compris, voire des mennonites.

Car les paysans qui contestent ainsi le paiement de la dîme (nous en avons dit un mot un peu plus haut) le font au nom d’un retour à la pureté de l’évangile, touchés qu’ils ont été par certains écrits de Luther, voire de Zwingli transmis à travers des brochures largement diffusées grâce à l’imprimerie. Leur ventre vide peut être déterminant dans leur indignation, il reste qu’ils sont au moins potentiellement des chrétiens évangéliques futurs ou déjà acquis à certaines idées de la Réforme. Les historiens marxistes ont beau voir dans leur mouvement les préludes d’une conscience révolutionnaire, ce qui n’est pas faux pour certains d’entre eux du moins, Hubmaier est fondé à s’adresser à eux comme à de « chers frères ». En tous les cas, ce fait témoigne de la sympathie de Balthasar Hubmaier, docteur en théologie qu’il est, envers ces gens simples et du bas peuple.

Dans la région proche de Waldshut, le mouvement paysan naissant prend la forme d’une manifestation publique sans violence, revendiquant une utilisation locale de la dîme et son affectation directe au clergé paroissial. Une phase de négociations s’ouvre entre les paysans et le comte local. Fin juillet 1524, 600 paysans révoltés viennent à Waldshut pour plusieurs jours. En fait, tout comme la ville, ils ont besoin d’aide contre l’Autriche. Alertées, les autorités entendent rétablir l’ordre à Waldshut et forcer Hubmaier à quitter la ville, mais hésitent à utiliser la force sans s’assurer auparavant que les Suisses ne soutiendront pas Waldshut. En Suisse au même moment, des tiraillements entre cantons catholiques et protestants (minoritaires ces derniers) compliquent encore la situation, en excluant un soutien direct de Zurich à Waldshut : c’est ce qui explique sans doute la tentative d’alliance militaire entre les paysans et Waldshut.

Le 20 août, le prince Ferdinand 1° (de Habsbourg, frère de Charles Quint), apprend que les paysans d’un village proche de Waldshut veulent prendre les armes. Une alliance militaire entre les paysans révoltés, Waldshut, et Zurich, ce que l’Autriche redoute par-dessus tout, paraît se dessiner, et une confrontation armée paraît inévitable.

Fin août, Hubmaier, pour sa sécurité mais plus encore pour préserver la population de Waldshut, part pour Schaffhouse, en Suisse. Il n’y est pas le bienvenu : il est plutôt la « patate chaude », voire la grenade dégoupillée qu’on préfère repasser au voisin plutôt que garder. Les Suisses, et particulièrement les cantons catholiques, sont prêts à livrer Hubmaier, qui se réfugie dans un couvent bénédictin voisin favorable à la Réforme. Mais Schaffhouse ne livre Hubmaier ni aux Autrichiens, ni aux confédérés catholiques. Hubmaier demande alors aux autorités de Schaffhouse leur protection, se présentant comme faussement accusé et dans l’impossibilité de se défendre. On voit que le choix de Schaffhouse lui permet de jouer à la fois la Suisse contre l’Autriche, et la Réforme, contre les cantons catholiques. Et il propose comme à son habitude, de régler son affaire par une dispute théologique. Il fait appel à l’autorité civile tout en affirmant que le juge final doit être la seule Ecriture.  Pour lui, le juge doit avoir sous les yeux la Parole de Dieu comme le Deutéronome le recommande aux rois d’Israël. En remplacement du magistère catholique, il fait appel, comme Zwingli à Zurich, au conseil municipal. Dans sa croyance au sola Scriptura, il demande au magistrat de juger son affaire à la lumière de l’Ecriture sans préciser qui la lira pour le magistrat.

Hubmaier est dans une situation dangereuse. Comme Luther et Zwingli, il est accusé d’hérésie, ce qui relève de l’Inquisition. Face à ce péril, les réformateurs commencent à élaborer un discours nouveau sur le traitement de l’hérésie et des hérétiques. Hubmaier rédige un Traité sur l’hérésie, imprimé à Constance à l’automne de 1524. Il pourrait se lire comme un effort « protestant » de réfutation de l’hérésie catholique :

  • Fondant sa définition de l’hérésie (concept qu’il accepte) sur le sola scriptura (principe réformateur de l’Ecriture seule), il la retourne contre l’église romaine : « Sont hérétiques ceux qui résistent à l’Ecriture sainte de façon impie ».
  • Mais il refuse la pratique médiévale de la mise à mort de l’hérétique: ce ne sont ni le feu ni l’épée qui peuvent vaincre l’hérésie, mais la persuasion et la parole, une parole humaine fondée sur la Parole divine.
  • Et lorsque la persuasion ne suffit pas ? Il dit ce qui sera repris par la suite dans l’ecclésiologie anabaptiste encore inexistante : la pire des choses qui puisse arriver à un hérétique est son exclusion de l’Eglise. Ici se trouve énoncée, sans doute pour la première fois dans le cadre de la chrétienté post médiévale, l’idée d’une société admettant une pluralité religieuse paisible, fondée sur la parabole du blé et de l’ivraie.
  • Le jugement appartient à Dieu, et n’interviendra qu’à la fin des temps.
  • Dans le temps présent de grâce accordé à l’humanité tout entière, l’Eglise n’a pas un rôle de juge mais de témoin.
  • Ce rejet de la punition s’étend aussi aux musulmans, quelque menace politique qu’ils représentent pour l’Europe au moment où il écrit.
  • Comme Luther avant lui, Hubmaier refuse d’accorder aux autorités politiques un droit d’ingérence dans les affaires spirituelles. Il distingue entre crime et hérésie. Les actes criminels peuvent être jugés et punis, pas les opinions religieuses.

Et pendant ce temps-là, à Waldshut et Zurich :

Dès le 1° septembre 1524, trois jours après le départ de Hubmaier, plusieurs centaines de paysans entrent dans Waldshut. Après quelques jours de négociation, un accord est trouvé, mais aussitôt dénoncé comme inacceptable par une minorité active qui cherche à radicaliser l’affaire. Dans cette situation complexe où tous les protagonistes se tiennent les uns les autres par la barbe, chaque partie joue double jeu. C’est Hans Müller, le capitaine de la fraction armée des paysans, qui cherche à forger une alliance avec Waldshut pour transformer le soulèvement rural local en révolte plus générale. A Waldshut, le départ de Hubmaier permet aux autorités de la ville de se défausser sur lui, voire de se plaindre d’avoir été séduits : la ville craint alors de se retrouver sans allié. Les prêtres catholiques expulsés au printemps sont revenus dans la ville. Mais volte-face le 24 septembre : c’est que le refus d’accord porté par Hans Müller ouvre à nouveau la possibilité d’une alliance entre Waldshut et les paysans, et Zurich propose sa médiation entre l’Autriche et Waldshut. Le 26, la ville demande en vain l’aide de Fribourg et d’autres cités de Forêt Noire et d’Alsace, puis se tourne vers les paysans de Forêt Noire qui promettent contre rémunération de les défendre pendant un mois, mais se défilent. Au dernier moment, le 3 octobre, le secours espéré arrive de Zurich avec 170 volontaires armés.

C’est que Zurich veut aider Waldshut, par sympathie et solidarité dans la cause de l’Evangile, mais une situation politique et religieuse fragile limite sa marge de manœuvre. Elle est coincée entre Ferdinand et les cantons catholiques. En juin-juillet 1524, après le retrait des églises zurichoises des images « idolâtres », en application des décisions de la deuxième dispute de Zurich, et suite à la répression d’une mesure analogue dans un village, une foule de partisans de la Réforme a pillé le monastère d’Ittingen, en suite de quoi la diète suisse a menacé d’expulser Zurich de la Confédération, ce qui l’exposerait aux convoitises autrichiennes. Zwingli conclut alors des traités avec Berne, Bâle et les Grisons et appelle à l’aide le roi de France. Ce contexte contraint les Zurichois à promettre de ne pas combattre les Autrichiens pour défendre Waldshut ni apporter d’aide militaire à la ville.

Le départ de 170 volontaires armés pour Waldshut a placé les autorités zurichoises en porte-à-faux. Elles implorent vainement la troupe en chemin, puis Waldshut, de faire, ou faire faire, demi-tour et de renoncer, et vis-à-vis des représentants impériaux, assurent qu’il s’agit effectivement de volontaires partis sans autorisation du conseil et sans aucune solde de la ville. En même temps Zurich prend la défense de Waldshut : il ne faut pas punir la ville, mais au contraire protéger ses droits.

En fin de compte, l’attaque autrichienne n’a pas lieu, et Waldshut obtient un répit de quelques mois. C’est que les troupes autrichiennes ont affaire à lutter ailleurs contre les paysans révoltés et alliés au duc de Wurtemberg. D’autre part, Charles Quint a besoin de ses forces pour combattre François 1° en Italie, après la perte de Milan le 26 octobre.

5 – Beaucoup d’incertitudes quant aux positions de Balthasar Humaier à propos des divergences apparues au sein de la réforme zurichoise :

Avec le temps, et surtout à l’épreuve des événements survenus lors de cette époque de multiples bouleversements, les malentendus, les différences d’opinion, voire les frustrations en germe au sein de l’équipe de Zwingli, et donc inapparentes nous l’avons vu, commencent à émerger et à générer tensions et divergences.

Le premier point concerne les moyens de mise en route de la Réforme et sa dépendance vis-à-vis de l’autorité politique. L’expérience a rendu Zwingli prudent : il sait qu’il ne fait pas toujours ce qu’il veut, qu’il faut parfois du temps au politique pour admettre l’opportunité de changer des habitudes séculaires. Aussi laisse-t-il du temps au temps, au point de taire parfois contre ses convictions des vérités quand il sait qu’elles seront difficiles à faire admettre. S’appuyant sur le chapitre 14 de l’épître aux Romains, il se soucie de « ménager les faibles », et cette prudence impatiente les plus bouillants de ses jeunes disciples qui y voient, puis y dénoncent des compromissions. Considérant qu’une Réforme englobant la population dans son ensemble n’est pas possible, car il y aura toujours des récalcitrants, ils jugent qu’une Eglise de convaincus serait plus forte qu’une Eglise mélangée, et préconisent la séparation. On voit dès ici se dessiner l’opposition entre Eglise « multitudiniste », inclusive – et Zwingli persiste à se situer résolument dans cette perspective, en continuité avec le catholicisme qu’il entend réformer – et une Eglise de professants tentée par le séparatisme, mais s’administrant elle-même. La fin de non-recevoir de Zwingli pousse les mécontents, qui le critiquent au nom de son propre principe du Sola Scriptura, et conscients de leur isolement à Zurich, à prendre des contacts dans les autres centres en voie de réformation en vue de promouvoir leur Réforme radicale.

L’élaboration des prémisses de la Réforme radicale :

Sans entrer dans le détail fastidieux de ces contacts, essayons d’examiner comment s’élaborent au plan théologique les démarches préparatrices à ce bouleversement de perspective principalement parmi les mécontents du cercle des disciples de Zwingli, mais aussi plus largement dans les milieux en voie de réformation, excluant semble-t-il pour le moment (mais on ne sait pas tout), Balthasar Hubmaier, en position très précaire et fort secouée par rapport à la réforme de Waldshut.

Il s’agit en premier lieu de trouver un moyen de trancher les différends d’ordre théologique (suspicions d’hérésies…) de manière incontestable, puisque le Sola Scriptura ne se suffit pas en lui-même et peut donner lieu à des divergences d’interprétation. C’est ainsi que Zwingli, pour la question du baptême des enfants, s’autorise à entendre le silence du Nouveau Testament sur ce point dans le sens permissif qui lui convient et amalgame la question avec celle, tirée de l’Ancien, de la circoncision des enfants. Au besoin, puisqu’on a rejeté le magistère de l’Eglise romaine, on recourt au magistrat civil local, qu’on enjoint de juger selon l’Ecriture, mais sans pouvoir lui dicter comment l’interpréter : on a vu Zwingli, mais aussi Hubmaier, réagir en ce sens. Confrontés à cette difficulté, les partisans d’une Eglise de professants trouvent une solution dans la règle instituée par Jésus dans Matthieu 18 : 18 qui recommande, en cas de conflit et en dernier ressort (après l’échec de tentatives de conciliation « privées ») de recourir au verdict de l’Eglise habilitée à prononcer une exclusion du membre reconnu obstiné dans son tort. Ainsi est assurée l’autonomie de l’Eglise locale, condition d’existence d’une Eglise qui prétend s’affranchir du contrôle du pouvoir.

Dans la foulée de cette évolution s’engage également une réflexion renouvelée sur la signification et la valeur du baptême. Il faut savoir la situation à Zurich sur une question assez voisine : à cette date, et pour encore quelques mois, la messe y est encore célébrée en latin, et les fidèles communient avec des hosties, et sans accès au vin. Sur le baptême, on prend alors conscience qu’on a banalisé en simple rite dépouillé de sa valeur spirituelle une démarche à l’origine soigneusement préparée par un long catéchuménat. « C’est parce qu’on n’a pas compris le vrai baptême que l’entrée dans la chrétienté est devenue une singerie bestiale… On a fabriqué des chrétiens avec des enfants mineurs et fait disparaître le catéchuménat, si bien que les chrétiens sont en effet devenus des enfants. » (Thomas Müntzer). Ces penseurs réformateurs réalisent que le baptême, loin d’une sorte d’opération « magique », n’est en soi qu’un signe, mais le signe très fort d’un profond bouleversement intérieur de celui qui le reçoit comme le pardon de ses péchés par la foi, impliquant la mort au péché et l’exigence de vivre en une nouvelle vie et dans un esprit nouveau. Ainsi, la polémique contre le pédobaptême est désormais lancée à Zurich.

On voit aussi s’instaurer un débat sur la violence, important par ses suites dans le développement du futur anabaptisme suisse. Influencé par Erasme, marqué, en tant qu’aumônier militaire en Italie aux côtés des mercenaires suisses, par le massacre de 10 000 jeunes suisses à Marignan, Zwingli a eu au début une période pacifiste, position qui s’est naturellement transmise à ses jeunes disciples, tels que Conrad Grebel et Félix Manz. Au départ, le choix qu’il a fait d’une Réforme sous l’égide de l’Etat ne pose pas problème. Mais avec l’évolution belliqueuse de la situation dans toute la région, notamment les menaces de guerre civile par expulsion de Zurich hors de la Confédération Helvétique, cette question de la violence d’état et plus largement de la violence armée se trouve remise en cause. Grebel écrit : « Il ne faut pas non plus protéger l’Evangile et ses partisans par l’épée, et eux-mêmes aussi ne doivent pas se défendre ainsi […] Les vrais et fidèle chrétiens sont des brebis au milieu des loups, des brebis pour la boucherie. ». La situation est analogue en pire à Waldshut, où une alliance avec un mouvement paysan au départ pacifique dégénère en alliance armée, en l’absence il est vrai d’Hubmaier qui ne se trouve pas en position d’intervenir directement.

6 – Le rejet du baptême des enfants par Hubmaier : (fin 1524 – début 1525) :

L’historique de l’évolution d’Hubmaier, comme de Zwingli, et des débuts de leur désaccord sur la question du baptême, est difficile à reconstituer. Si on suit l’article de Wikipédia sur Hubmaier, celui-ci aurait dès sa profession de foi au protestantisme, en mars 1523, immédiatement commencé à annoncer que « seuls les vrais consacrés, ceux qui se sont séparés du péché … et qui ont accepté Christ seul comme leur Sauveur et Chef – constituent le peuple de Dieu, l’Eglise. ». Le même mois, visitant Zurich, il aurait rallié Zwingli à son idée, ainsi qu’à son corollaire : la nullité du baptême des enfants. Mais deux ans plus tard (1525, on rejoint donc la période qui nous occupe), ce dernier, « ayant vu que ceci viderait, en fait l’église officielle au sein de laquelle il accomplissait son œuvre de Réforme », il aurait fait volte-face avant de devenir plus tard, l’ennemi le plus acharné d’Hubmaier. Si je comprends bien, ce calendrier ferait de Balthasar Hubmaier historiquement le fondateur de l’anabaptisme. C’est une belle histoire à laquelle j’aimerais croire. Mais la source que je préfère suivre (Les révoltés de l’Evangile – Balthasar Hubmaier et les origines de l’anabaptisme, par Neal Blough, aux Editions du Cerf), (Neal Blough est un historien d’arrière-plan mennonite), nous l’avons vu ; propose une version bien différente. A vrai dire, l’incompatibilité n’est pas totale entre les deux versions. On a vu que Zwingli sur les questions délicates préférait laisser mûrir les choses et ne disait pas toujours publiquement le fond de sa pensée, et que de son côté l’urgence de la situation à Waldshut poussait Hubmaier à jouer à fond la solidarité avec la Réforme de Zurich, ce qui pourrait l’avoir induit à mettre la sourdine sur de possibles désaccords. La fragilité à cette période du réseau réformateur imposait le maximum d’entraide.  Neal Blough confirme, d’après le témoignage d’Hubmaier, que lors de sa visite à Zurich en mai 1523, Zwingli et lui ont bel et bien discuté du pédobaptême et, selon lui, Zwingli partageait ses doutes et lui aurait donné raison dans son rejet de cette pratique. De son côté Zwingli, dans sa propre version de la même rencontre, confirme sans plus qu’ils ont abordé les fondements du baptême. Pour Neal Blough le débat sur le baptême, nous l’avons vu, est d’abord lancé à Zurich autour de Conrad Grebel et Félix Mantz, sous l’influence, entre autres, de Thomas Müntzer (qui devait par la suite, en versant dans un millénarisme théocratique prônant la révolte armée, entraîner le mouvement paysan vers une issue catastrophique). Fin octobre 1524, en visite à Zurich, Hubmaier aurait seulement pressé Zwingli de prendre position à ce sujet. Et c’est ce que ce dernier fait en décembre de la même année, dans un libelle polémique contre plusieurs groupements zurichois accusés de « sédition » et qui s’en prend parmi eux à ceux qui qualifient le baptême des enfants d’ « abomination ». Fin 1524, Hubmaier est poussé vers le camp anabaptiste qui se constitue et trouve écho dans le mouvement paysan par la nécessité de trouver des alliés à Waldshut, alors que Zwingli continue de considérer Hubmaier et Waldshut comme alliés et donc, apparemment, ne le sait pas.

Cependant, toujours à ce passage entre 1524 et 1525, la pression autrichienne en réaction à la présence des volontaires zurichois continue de s’accentuer sur Waldshut, quelque peu amortie par des efforts de médiation. Le 13 janvier 1525, Balthasar Hubmaier épouse une demoiselle de Reichenau (près du lac de Constance), Elsbeth Hugeline. Dans cette période, le mouvement paysan, jusque-là très localisé, prend de l’ampleur, les bandes de paysans d’importance croissante se structurent, apparaissent dans de nouvelles régions allemandes, entrent dans une phase « révolutionnaire » et commencent à constituer une réelle menace pour l’Empire.

Mais l’événement le plus déterminant en ce qui regarde notre sujet se produit à Zurich le 21 janvier : le conseil de Zurich interdit la discussion sur le baptême et prononce l’expulsion de ceux qui contestent le baptême des enfants. C’est ainsi qu’est prononcé le schisme qui donne la naissance formelle à l’anabaptisme zurichois. Le jour même les nouveaux hors-la-loi se baptisent (par aspersion : l’importance pour le baptême de l’immersion sera comprise plus tard). Dans un petit village proche de Zurich d’abord, Zollikon, des baptêmes sont célébrés aussitôt suivis d’arrestation par les autorités zurichoises (mais les principaux poursuivis les ont précédés dans la fuite !), puis dans la région de Schaffhouse. Les expulsés se mettent en quête de lieux d’implantation, et la région de Waldshut va devenir une première étape privilégiée. Dans différentes régions et pendant plusieurs mois, l’anabaptisme apparaît comme une option réformatrice populaire. Il se développe parallèlement au mouvement paysan et indépendamment de lui, mais les deux ont tendance à se confondre. En fait, cette Réforme anabaptiste a du succès aussi longtemps que la menace politique représentée par le mouvement paysan apparaît crédible.  Elle dépérira avec le retour à l’ordre.

Waldshut, première ville devenue officiellement anabaptiste :

Hubmaier, nous l’avons vu, était au bord de se tourner vers l’anabaptisme. En octobre 1524, il semble encore avoir espéré voir Zwingli prendre parti contre le pédobaptisme. Le schisme de Zurich apporte un démenti cinglant à ces éventuelles espérances. Les visites à Waldshut de Conrad Grebel et de Wilhelm Reublin emportent ses dernières hésitations. Hubmaier demande à Waldshut une dispute sur le baptême, rencontre organisée avec l’assistance de Reublin. Quelque temps plus tard, Reublin, après des baptêmes pratiqués hors de la ville, baptise Hubmaier et 60 citoyens à Waldshut même. Et le lendemain, le dimanche de Pâques 1525, Hubmaier baptise 300 personnes. Ensuite, il se fait à nouveau choisir comme pasteur par les nouveaux baptisés. Les catholiques sont obligés de quitter la ville. La grande majorité de la population, dont celle du conseil municipal, suit Hubmaier.

Mais dans le même temps, l’évolution de la situation politique conduit au renforcement des liens entre Waldshut et les paysans. Le 24 février, la défaite des Français devant Pavie, avec de lourdes pertes de piquiers suisses, avait provoqué dans la région sud-rhénane la défection des mercenaires suisses du duc Ulrich de Wurtemberg (allié aux paysans pour reprendre ses territoires aux Autrichiens). Ferdinand avait les mains libres pour régler la situation paysanne, et l’appel à l’aide de Waldshut à Zurich ne pouvait que se heurter à un refus. Le seul recours laissé à Waldshut est de s’en remettre entièrement aux paysans. Elle se joint à l’Union chrétienne de la Forêt Noire presque au même moment où elle adopte l’anabaptisme.

Si on se penche sur la théologie de Hubmaier sur le baptême à cette époque (il écrit alors un traité sur le sujet), on constate principalement, d’abord que les anabaptistes s’approprient la doctrine luthérienne de la justification par la foi. Mais la compréhension anabaptiste de la justification insiste sur la réponse de l’individu à l’annonce de l’Evangile, et en premier lieu la conversion. On verra que par la suite – et c’est en partie en réponse aux anabaptistes, – les protestants dans leur doctrine de la justification mettront beaucoup plus l’accent sur la grâce prévenante de Dieu (le croyant est justifié par la grâce seule, Sola gratia) que sur la réponse individuelle de la foi (c’est par la foi seule que le chrétien est justifié, Sola fide). A relever cependant qu’Hubmaier précise que cette réponse de l’individu n’est pas une initiative de l’individu, mais seulement une réponse à l’initiative de Dieu dans sa grâce.

Indubitablement, Balthasar Hubmaier s’est allié au mouvement paysan et l’a soutenu. Ce reproche, qui a longtemps servi à l’historiographie tant protestante que catholique pour le condamner comme « séditieux » et le présenter comme un apôtre de la violence fanatique a un fond de vérité. Naturellement, l’assimilation qui a été faite sur cette base de l’anabaptisme qu’il représente au millénarisme théocratique, révolutionnaire et guerrier prêché par Thomas Müntzer, voire à la tyrannie instaurée à Münster en Westphalie au nom de la « Nouvelle Jérusalem » dix ans plus tard, toujours sous étiquette anabaptiste, est tout à fait abusive. Mais la position de Hubmaier n’est pas non plus celle des anabaptistes suisses non-violents, Conrad Grebel, Félix Mantz et leurs successeurs qui portent jusqu’au bûcher leur refus de porter les armes.

J’ai souligné l’appui, dans leur union et leurs revendications, pris par les paysans sur les déclarations de l’Evangile, qui n’était pas un simple prétexte, et le caractère pacifique de leur mouvement à ses débuts. En ce qui regarde Hubmaier, j’ai mis à son crédit sa compassion à l’égard des souffrances des paysans (c’est une période de disette, voire de famine), son amour des gens simples, du peuple. L’intérêt porté au monde agricole, qui est largement partagé dans le milieu anabaptiste, au point que c’est dans ce même milieu principalement qu’il se développera ensuite, est une originalité dans le protestantisme, et peut-être une occasion perdue. La condamnation persécutrice du mouvement paysan tant par Luther que par Zwingli laissera des traces : désormais, le protestantisme se développera prioritairement dans d’autres couches sociales, la noblesse, les gens instruits, l’artisanat… De surcroît, le récit des événements a amplement montré combien l’alliance avec le mouvement paysan avait été indispensable à la survie même, hélas bien provisoire, de Waldshut. Le refus de la violence armée aurait pu être l’affaire des chrétiens convaincus : dans le cas d’espèce, c’est la population entière d’une ville qui était en jeu.

Mais l’appui d’Hubmaier au mouvement paysan va plus loin et a d’autres motivations. On sait qu’il a lui-même été le rédacteur d’au moins une des pétitions (celle « des paysans de la Forêt Noire ») dans lesquelles le mouvement exprimait ses revendications. L’anabaptisme de Hubmaier s’inscrit dans la logique d’une tentative de réforme soutenue par les autorités locales : la défense de la sécurité publique, y compris par les armes, est de leur compétence. On a vu que c’était une particularité de la Réforme zwinglienne (et celle de Waldshut s’inscrit au départ dans cette mouvance) que l’idée que la foi réformée a vocation de mener à un ordre social plus juste. Le mouvement paysan s’inscrit en continuité de ce qu’on appelle la « réforme communale » qui revendiquait un retour à un ordre plus démocratique, à des droits ayant existé dans l’ordre médiéval et que la noblesse et la concentration du pouvoir remettaient en cause. Le choix par les fidèles de leur pasteur revendiqué par le mouvement paysan et pratiqué par les anabaptistes s’inscrit dans ces aspirations démocratiques inspirées en partie par le modèle suisse. Naturellement, l’histoire a démontré qu’il était utopique de prétendre appliquer ce modèle dans le cadre du Saint-Empire, mais la Réforme de Waldshut a pu en caresser l’espoir.

Sur la personnalité de Balthasar Hubmaier :

La personnalité de Balthasar Hubmaier me semble délicate à cerner au vu des connaissances actuelles. Il me paraît d’autant plus nécessaire de le tenter que nous avons affaire à un homme qui a été dès longtemps principalement connu à travers le témoignage de ses ennemis, tant catholiques que zwingliens, qui ne se sont pas privés de le vilipender et d’attribuer son comportement aux motifs les plus condamnables.  J’ai souvenir en revanche qu’il y a quelques années, quand j’ai commencé à m’intéresser à lui, l’article que j’ai consulté alors sur Wikipédia soulignait son humanité et sa grande bienveillance : ces mentions ont disparu de la version actuelle.  Qu’est-ce à dire ? Quant à l’image qui semble se dégager de l’ouvrage de Neal Blough dont je rends compte ici principalement, l’insistance qu’il met sur la pression des circonstances tumultueuses auxquelles il a eu à faire face, elle peut suggérer de sa part un fort degré d’opportunisme. Rien de tout cela ne m’aide vraiment et je suis réduit à avancer de manière très fragile quelques hypothèses hasardeuses à partir d’indices fort ténus. Un opportuniste, ou à tout le moins la victime émissaire d’un séisme géopolitique sans exemple, ce père fondateur de l’anabaptisme ? Il faut pourtant bien lui reconnaître que les grands choix qu’il a opérés dans sa vie l’ont toujours conduit aux options les plus dangereuses, ce qui plaide pour son courage et la fermeté de ses convictions.  Les grands réformateurs ses pairs ont pu tracer leur sillon à l’abri de lieux de refuge, la Wartburg pour Luther, Genève pour Calvin, qui sont indispensables à l’élaboration théologique. Cela vaut même pour Zwingli à Zurich, encore qu’il ait péri finalement sur un champ de bataille. Mais ce n’est pas le cas d’Hubmaier ! C’est pourquoi j’incline à souligner en Balthasar Hubmaier l’importance qu’a pour lui le lien fort avec les fidèles qu’il a en charge, et même simplement ses auditeurs, qui se traduit par son efficacité oratoire, ce cœur de pasteur qui a pu le porter à travers les épreuves, et dont la rupture et l’absence le fragilise peut-être à l’heure où, arrêté, il doit subir la torture.  Ce lien me semble exister déjà dès l’époque de Ratisbonne, où cet intellectuel se laisse entraîner, par l’exemple peut-être, dans les délires pitoyables d’un culte marial dévoyé. A cela il importe de joindre l’amour de la vérité. Luther, Zwingli, Calvin ont fait une expérience bouleversante à partir de laquelle ils tracent un chemin assez constant. Hubmaier, lui, partant d’un catholicisme borné comme nous l’avons vu, fait l’expérience profonde du salut par la foi qui le conduit à Zwingli, mais garde suffisamment d’esprit critique, ou plutôt de fidélité à la soumission à un chemin de vérité pour opérer une seconde remise en cause radicale en étant bien conscient du précipice où le conduit ce chemin.

 7 – La chute de Waldshut, Nicolsbourg et le martyre de Hubmaier (décembre 1525 – mars 1528) :

Après de grands succès en avril-mai 1525, mais aussi, ailleurs que dans la région, déjà d’horribles massacres, le mouvement paysan subit ensuite revers sur revers. Waldshut, où Hubmaier a pris le temps, nous l’avons dit, d’écrire un traité sur le baptême, tient encore quelques mois, mais finit par tomber le 6 décembre devant les troupes impériales. La veille, Hubmaier qui se sait condamné à mort en cas de capture, a fui vers Zurich. Il y trouve refuge dans une famille anabaptiste. Apprenant sa présence en ville, Zwingli s’efforce dans une série d’entretiens de le faire revenir de ses erreurs. Mais Hubmaier, le 6 janvier 1526, en chaire d’une église de la ville, refuse de se désavouer. Il est arrêté et passe quelque mois en prison. Sous la torture du chevalet, alors qu’il est gravement malade, il finit par se rétracter. Mais, à la fureur de Zwingli, il rétracte sa rétractation, dénonçant la torture et la maladie ; et il réussit à quitter Zurich vers fin avril. Passant alors par Augsbourg tout près de sa ville natale, il pousse jusqu’en Moravie, où il s’installe dans la petite ville de Nicolsbourg. La population y est germanophone, et les deux princes von Liechtenstein sont très ouverts à la Réforme. Les prédications d’Hubmaier y trouvent un grand écho, si bien qu’il ne tarde pas à y fonder une Eglise anabaptiste laquelle compterait, si on en croit Wikipédia, la quasi-totalité de la population de la ville. Le voici donc réformateur d’une seconde ville, avec comme à Waldshut un soutien politique local, celui du prince von Liechtenstein. Il est vrai que Nicolsbourg servait alors de refuge à nombre de dissidents persécutés ailleurs, tant par les protestants que par les catholiques : héritiers de Jean Hus, zwingliens et anabaptistes.  Hubmaier trouve donc matière à participer activement à de nombreuses discussions théologiques. Mais aussi, il pense avoir enfin trouvé le calme qui lui permet, dans le cadre de l’installation de cette Eglise, de rédiger toute une série de traités entre 1526 et 1527, (une quinzaine), sur tous les sujets théologiques qui le préoccupaient, depuis les doctrines de base, baptême, cène, libre arbitre et prédestination, jusqu’aux aux sujets pratiques tels que la liturgie et le pouvoir civil. C’est donc la période la plus active de sa production littéraire, et la position doctrinale ainsi élaborée sera reprise les siècles suivants par l’ensemble des futurs anabaptistes, puis au-delà par les baptistes.

Mais la situation de Hubmaier ne tarde pas à changer une fois de plus. A Nicolsbourg, il se trouvait à l’abri, définitivement pouvait-on croire, en dehors de la juridiction des Habsbourg. Ce n’est plus le cas après août 1526 et la bataille de Mohàcs, suite à laquelle la Hongrie est divisée, et la Moravie se retrouve du mauvais côté de la nouvelle frontière. En juin ou juillet 1527, il est capturé et mené à Vienne, où il est brûlé vif le 10 mars 1528. Trois jours plus tard, sa femme Elsbeth est noyée dans le Danube.

A la même époque, la situation est tout aussi tragique pour les anabaptistes de la région de Zurich et Waldshut. Grebel est déjà mort (de la peste), Mantz exécuté. Mais l’anabaptisme subsiste sous forme persécutée et clandestine. Il s’affirme par ses choix, résolument pacifiste, non-violent, et séparatiste, préconisant un strict retrait hors du monde. C’était au fond la seule option encore disponible après l’échec des tentatives d’Hubmaier. Il donne lieu à la formation de communautés très particulières, vivant spécifiquement de l’agriculture.  Leur mode de vie laborieux et consciencieux les rend très prospères, les fait apprécier de la société ordinaire, et la persécution s’atténue vers la fin du XVI° siècle. Paradoxalement au XVII° la persécution cesse ou même s’inverse et dans la France de Louis XVI dont on sait la position à l’égard des Huguenots, ils sont recherchés par les jésuites eux-mêmes ! Ils essaiment en Europe, puis aux Etats-Unis, plus tard au Mexique et en Amérique du sud, et ce sont eux, les Amish des Etats-Unis notamment, que nous regardons un peu comme des aliens, tant ils sont déconnectés de la société contemporaine, et que pourtant les préoccupations écologiques et le délitement de notre modèle social hyper-individualiste en perte du sens de la solidarité incitent à réévaluer quand ce n’est pas à montrer en exemples.  Oui, même en s’isolant de la société, on peut témoigner de l’Evangile ! En France, en Alsace, au pays de Montbéliard, le Mennonisme, autre avatar anabaptiste s’est fondu au XX° siècle dans le mouvement évangélique, où le mouvement baptiste tient une grande place, comme un retour vers l’option d’Hubmaier. Il s’agit d’être dans le monde, insérés dans la société, sans être du monde, de s’y faire « tout à tous », comme le dit Paul, sans compromission, pour y témoigner le plus efficacement de l’Évangile. Mais le refus anabaptiste de toute violence ne laisse pas de nous interpeler.

Texte écrit par Jean-Claude MEYLAN.

Source photo : Wikipédia.